Le Collectif Joan Pau Giné (qui deviendra le Collectif Angelets de la Terra, en 2014) de musiciens pour la langue catalane en Catalogne Nord a été présenté à La Fabrica d'Ille-sur-Têt. Une quinzaine de groupes ont présenté leur répertoire en catalan, dans le cadre de la 5ème édition de la Setmana per la Llengua, organisée dans plusieurs communes de Catalogne Nord par les Angelets de la Terra, du 12 au 19 février 2011.
En Catalogne Nord, l'évolution de la musique en catalan semblait s'être arrêtée depuis le boum Nova Cançó, dans les années 70-80. Malgré le constat d'une situation de "mort clinique" d'une chanson catalane folklorisée, dévalorisée par le grand public et les organisateurs de concerts, quelques musiciens ont décidé de créer un collectif. A la suite de la Setmana per la Llengua 2010 et de la réflexion autour de la création artistique en catalan initiée par les Angelets de la Terra, il semblait nécessaire de se mobiliser.
Ce collectif veut promouvoir la langue et s'inspirer des groupes festifs du reste des Pays Catalans qui se sont également organisés en collectifs. Le nom de "Col.lectiu Joan Pau Giné" a pour objectif de s'inscrire dans la continuité du message humaniste et universel de l'auteur-compositeur-interprète de Bages, trop peu valorisé même par ceux qui se revendiquent les détenteurs de la catalanité.
En quelques mois, le projet est un succès et s'ouvre peu à peu à tous les musiciens nord-catalans. La plupart du temps, ces chanteurs ne parlaient pas et n'osaient pas chanter en catalan mais, comme tous les Catalans du Nord, ils avaient la «catalanité» en eux, chacun à sa façon. La proposition du Collectif a été l'étincelle pour raviver le désir de revendiquer leur différence, comme une valeur ajoutée.
Maintenant, les musiciebs du collectif veulent faire passer leur message dans le monde entier pour crier haut et fort que la langue et l'identité de ce territoire ne sont pas mortes. Au moment de ce festival à Ille-sur-Têt, il y a déjà déjà une trentaine de groupes qui composent le collectif. Des groupes habitués à se produire sur des scènes locales et au-delà de l'Albère et des Corbières: Llamp te Frigui, AOC, Béa, Tekameli, P18 Live Machine, Samir, Lili Baba, Ben Gross , Blues de Picolat, 100 grammes de Têtes, Sabor de Perpinyà, etc.
Il est important de souligner la diversité linguistique et le métissage culturel de ce collectif. Il porte une culture catalane ouverte sur le monde, avec des musiciens de Sicile, Kabylie, Campanie, Bretagne, Angleterre, Haïti, etc.
La diversité musicale est aussi une originalité de ce collectif. Reggae, salsa, opéra, ska, a cappella, blues, rap, hardcore, rumba catalane, groupes électro latino, etc. sont les différents styles de ces groupes alors que souvent, en Catalogne Nord, on limite la musique en catalan à la sardane et aux havaneres.
Ce projet musical festif et de qualité présenté par le collectif montre que les nouveaux arrivants, les "afegits" (ajoutés), permettent à notre culture d'évoluer et de se renouveler, comme c'est le cas pour toutes les cultures vivantes.
Samir Mouhoubi a enregistré la moitié des chansons des deux premiers disques collectifs chez Ramon Faura -coordinateur de la Setmana per la Llengua et président des Angelets de la Terra - à deux pas de la Place Catalogne de Perpinyà. Samir est Kabyle et il s'est identifié aux revendications des Catalans. C'est pour cette raison qu'il a voulu interpréter "L'Estaca" (disque 1), en kabyle et en catalan, ainsi que "Els Segadors" (disque 2).
Il faut souligner que Sabor de Perpinyà, groupe de salsa composé de gitans de Saint-Jacques à Perpinyà, a enregistré pour la première fois une chanson en catalan (leur langue maternelle), alors que la Casa Musicale ne les avaient jamais motivés à le faire. Dans l'attente d'une réelle volonté politique en faveur de la langue catalane, les Angelets de la Terra se substituent donc aux "professionnels de la culture locale" pour qui local ne rime pas encore avec catalan.
Tom Darnal, membre du Collectif, ancien claviériste et graphiste de la Mano Negra, s'intéressait à la langue catalane par le biais de sa fille élève de la Bressola. Chris the Cat, d'origine occitane, dont la fille est également à la Bressola, s'est lancé dans la chanson en catalan aidé par Christian Martinez, directeur du collège Comte Guifré. La transmission s'est donc parfois inversée, des enfant vers les parents, dans ce petit territoire oublié par les Français qui nous considèrent souvent comme des espagnols ou presque et par des Catalans du Sud qui nous définissent parfois comme des « gavatxos », terme péjoratif pour désigner les français. Nous verrons si nos musiciens ont plus de reconnaissances, en réussissant à affirmer qui nous sommes, dans toute notre complexité de frontaliers mais sans complexes.