J’apporte le feu de la Sant Joan
Qui brûle les soucis ! Brûle les soucis !
J’apporte le feu de la Sant Joan
Qui brûle tout ce qui nous fait mal.
(Txarango, groupe de musique)
La célébration de la Nit de la Sant Joan le soir du 23 juin est une fête presque universelle ; très ancienne et très populaire. Son origine est préchrétienne, car il s’agit de la fête du solstice d’été, intimement liée aux cultes du soleil, du feu et de la fertilité. Dans les régions situées dans l’hémisphère nord, notamment celles situées près du cercle polaire - où le phénomène du solstice est particulièrement impactant - c’est une des plus importantes fêtes de l’année.
L’élément central de la fête – et ceci est commun à toutes les traditions - est le feu de la Saint-Jean, un feu de joie, une sorte de grand bûcher en flammes. La tradition lui attribue des vertus purificatrices, et selon les différentes traditions locales la foule y brûle souvent des objets qui symbolisent le mal ou un danger. Mais la fête est avant tout un hymne à la vie et à la joie : le soleil est à ce moment-là à son apogée et nous sommes au début de l’été ! Or, le solstice annonce en même temps le déclin du soleil et certaines traditions populaires invoque curieusement – à ce moment qui semble inopportun - un léger sentiment de mélancolie.
« Elle qui l'aimait tant
Elle le trouvait le plus beau de Saint-Jean,
Il ne l'aime plus
C'est du passé
N'en parlons plus. »
(Chanson populaire créée en 1942 par Léon Agel et Émile Carrara)
La séduction, la danse, l’érotisme, l’amour sont des éléments qui caractérisent depuis toujours les bals d’été de la nuit de la Sant Joan et ces éléments ont pendant longtemps éveillé les suspicions des églises chrétiennes. Elles essayent d’abord d’interdire la fête, comme au Moyen-Âge, notamment la tradition des feux de joie, mais peu à peu la fête est christianisée et la tradition chrétienne attribue le 24 juin au jour à la naissance d’un personnage historique très important - décris par l’évangile de Luc et de sources juives - Yohanan Ben Zekharya, plus tard appelé Saint Jean Baptiste, considéré le précurseur et annociateur du Christ.
Depuis ces temps les deux traditions coexistent sans se heurter.
Dans les Pays Catalans c’est une fête très importante ! Elle est célébrée à travers d’innombrables traditions locales dans lesquelles interviennent évidemment les feux de joie, mais aussi des cérémonies qui évoquent l’agriculture, les plantes et les animaux. Dans de nombreuse localités les gens cueillent ce jour-là des plantes aromatique et médicinales qui auraient un pouvoir guérisseur renforcé, par exemple le romarin, le thym, le fenouil et le Millepertuis – appelé aussi l’herbe de Sant Joan.
Mais la tradition la plus catalane de toutes est sans aucun doute celle de la « Flama del Canigó »,”. La Flama a ses racines dans la tradition des « falles », des feux des Pyrénées catalanes, de l’Andorre et de la Val d’Aran où on fait descendre le feu purificateur de la montagne. Un grand poète catalan le décrit dans des termes suivants :
« Dans la forêt du Canigó sont les fallaires
Ils dansent, se balancent dans les airs
Trente flammes allumées comme trente serpents ardents ;
En sardane fantastique ils tournent
Et main dans la main ils écument,
Des sorcières et des démons en improvisant un jeu. »
(Jacint Verdaguer, Canigó)
Ce qui est très intéressant est qu’il y a une ambigüité sur la place des démons dans la cérémonie. Loin d’être considérés le « mal » ils de mélangent aux sorcières et aux gens pour danser autour du feu. La tradition des danses de « diables » au cours des « correfocs » est très populaire en Catalogne, et notamment lors de la Nuit de la Saint-Jean.
Dans le cas concret de la cérémonie de la « Flama del Canigó »” le « feu » a pris depuis les années 50 du XXe siècle un sens nouveau : il est devenu le symbole de la vitalité de la langue et de la culture catalanes.
Le 22 juin, des volontaires portent la flamme qui est gardée à la « Casa Pairal » du Castillet de Perpignan au sommet du Canigou où ils allument un grand feu qu’ils veillent toute la nuit. Le lendemain ils le porte à pied, en bicyclette, en voiture, en bateau et en barque à tous les villages et villes des Pays catalans, évidemment en Catalogne du Nord, en Catalogne du Sud, au Pays de Valence, aux Îles Baléares, à la Frange de l’Aragon et à l’Alguer en Sardaigne.
L’idée de la Flamme est de rappeler l’importance de la langue et la culture catalanes, communs à tous les Catalans.
La Flamme est reçue par tous les habitants en fête qui la portent en cortège à la mairie où les autorités lisent un manifeste en présence des associations culturelles, sociales et sportives.
Le soir venu la Flama allume les feux de joie de la « Revetlla de Sant Joan » et la fête commence.
Michel Leiberich, professeur d'Université (Palau del Vidre)