Veut-on effacer la frontière physique et les frontières psychologiques pour voir à nouveau des liens se tisser entre Catalans de chaque côté de cette frontière qui nous a séparé? Doit-on dans ce cas continuer à parler de relations transfrontalières pour définir ces liens?
Finalement, les États imposent leur sémantique. Nous la reprenons sans la remettre en question car cela nous apporte des subventions européennes pour des "projets transfrontaliers", et les dossiers sont filtrées par Paris et les capitales régionales. Les projets mis en place perdent donc souvent de leur substance pour entrer dans le cadre imposé par d'autres, par les Etats ou l'Europe des États, ce qui revient au même.
Bien entendu, il faut continuer à utiliser ces subventions. D'autant que parfois elles apportent des choses positives pour le territoire comme l'hôpital "transfrontalier" de Puigcerdà ou le pont reliant Costoja et Maçanet de Cabrenys,... Il ne s'agit donc pas uniquement de faciliter des revenus pour ceux qui montent ces "projets transfrontalières" par opportunisme et sans aucune vision de développement sur le long terme.
C'est la proposition des Malgré tout, les Angelets de la Terra proposent aux mairies du Nord et du Sud de la Catalogne de développer des échanges et des projets communs sans intermédiaires et en sortant du cadre "transfrontalier".
La sémantique est essentielle car le sens des mots peut désenclaver ou renforcer l'enclavement de la Catalogne Nord, malgré sa situation géographique privilégiée.
Le dictionnaire Larousse nous donne le sens du mot transfrontalier:
1- Qui concerne le franchissement d'une frontière, les relations entre pays de part et d'autre d'une frontière.
2- Qui concerne les espaces proches d'une frontière entre des États voisins.
Ce terme semble donc inadapté lorsqu'il s'agit de liens entre catalans. Le terme transfrontalier nous amène à considérer que ce sont des français qui rencontrent des espagnols, lorsque des habitants du Roussillon rencontrent ceux de l'Empordà. Il est évident que c'est aussi notre réalité...
Pourtant, parler de transfrontalier est une façon étatique de voir les choses. Est-ce-que cela nous aide à tisser des liens satisfaisants, à nous développer économiquement et culturellement? Un diagnostic rapide nous permet de considérer que ce n'est pas le cas.
Il y a une vingtaine d'années, un maire du Pays Basque m'a dit: "Les liens avec les basques du Sud se sont toujours faits naturellement, sans prendre en compte la frontière. Nous n'avons pas eu besoin de subventions transfrontalières pour cela."
Ne sommes-nous pas aussi des catalans du Nord et du Sud? Pourquoi y-a-t-il si peu d'échanges et de connaissances mutuelles? Pourquoi Toulouse, Montpellier où même Paris nous semblent plus proches que Figueres, Girona ou Barcelona? A cause de la frontière! Alors pourquoi la revendiquer?
Nous devons imaginer notre propre façon de recoudre et soigner les blessures de l'histoire que sont les frontières. La catalanité est notre richesse. C'est un facteur de cohésion sociale. Elle est notre lien à tous, catalans du Nord ou du Sud, d'origine ou d'adoption. L'identité, la langue et la culture catalanes composent cette catalanité et cela n'est pas incompatible avec d'autres identités que nous portons tous en nous.